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Abus de droit et transmission : Bercy se veut rassurant

par La rédaction - le 19/06/2019

En réponse aux inquiétudes pesant sur la future procédure d’abus de droit fiscal, Bercy a calmé les esprits concernant les stratégies de transmissions anticipées de patrimoine et notamment les donations avec réserve d’usufruit.

 Depuis le début de l’année, les professionnels de la gestion de patrimoine s’inquiètent légitimement de l’apparition d’un nouvel outil répressif à disposition de l’administration : le nouvel abus de droit fiscal. Bercy vient de répondre, au moins partiellement, à ces inquiétudes.

L’abus de droit « classique »

L’abus de droit fiscal s’entend du comportement répréhensible d’un contribuable à raison de ses manœuvres juridiques pour diminuer son impôt. L’administration dispose d’une procédure pour écarter ces actes juridiques d’apparence régulière et pour réclamer au contribuable les impôts qui correspondent aux actes réels. Ainsi, s’il apparaît qu’une donation est déguisée en vente, le contribuable sera redevable des droits de donation éludés.

Il s’agit de la procédure de l’abus de droit fiscal, codifié à l’article L 64 du Livre des procédures fiscales (LPF). Peuvent ainsi être recherchés sur ce terrain les opérations motivées exclusivement par un intérêt fiscal. Dans le cadre de cette procédure répressive, l’administration fiscale doit donc démontrer que l’opération n’avait pas d’autres fins que d’éluder l’impôt. L’impôt dû peut être assorti d’une majoration de 80%, ramenée à 40% lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.

Un abus de droit pas si « mini » 

La loi de Finances pour 2019 a institué une nouvelle procédure d’abus de droit, qui a pu être qualifiée de « mini abus de droit », sous l’article L 64 A du LPF.  En vertu de ce nouveau dispositif, l’administration peut poursuivre les actes qui ont pour motif « principal » d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale qui aurait normalement dû être supportée si l’acte n’avait pas été passé ou réalisé.

Les pénalités ne seront pas automatiques, et c’est pour cette raison que le législateur a évoqué un « mini » ou un « petit »abus de droit. A tort, puisque l’administration conserve  la possibilité d’appliquer les pénalités de droit commun de 80 % pour manœuvres frauduleuses et de 40% pour manquement délibéré. Cet outil pourra être mis en œuvre à partir de 2021 à raison des actes passés à compter de 2020.

Des inquiétudes légitimes

Les professionnels déplorent la portée de ce nouveau texte qui sanctionne les actes au motif principalement fiscal. Est-ce que les mesures de planification fiscale tout à fait légal tombent sous son coup ? L’inquiétude concerne principalement les donations avec réserve d’usufruit qui permettent d’atténuer le coût fiscal d’une succession.

Dans ce schéma, des parents transmettent des biens à leurs enfants en leur donnant la nue-propriété des biens, ils s’en réservent l’usufruit. Les droits de donation sont optimisés puisque la valeur de la nue-propriété ainsi transmise est inférieure à la valeur de la pleine propriété. En effet, des droits en nue-propriété ne permettent pas à leur titulaire ni de jouir du bien – un droit qui revient à l’usufruitier – ni de le vendre. Ils représentent en quelque sorte un droit futur à la pleine propriété. Au décès des parents usufruitiers, les enfants nus-propriétaires récupèrent automatiquement l’intégralité des droits sur le bien, sans payer d’impôt supplémentaire (article 1133 du Code général des impôts – CGI). Enfin, plus les parents donateurs seront jeunes, moins les droits seront élevés, car les droits sont calculés selon un barème (qui figure à l’article 669 du CGI) qui tient compte de l’âge du donateur : l’usufruit étant un droit viager, il perd de la valeur avec l’âge de son titulaire.

Bercy rassure

Une sénatrice vient d’interroger Bercy sur le point de savoir si « l’administration fiscale aura toute liberté pour décider au cas par cas si la donation en nue propriété est ou non un « petit abus de droit » ».(JO Sénat du 13/06/2019, page 3070)

Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérard Darmanin s’est voulu rassurant. Il a commencé par rappeler que « l’intention du législateur n’est pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d’autres dispositions fiscales ».

Il donne pour preuve l’absence de modification des textes relatifs au barème des valeurs de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien et à l’exonération de droits applicable à la réunion de l’usufruit à la nue-propriété. Surtout, « la nouvelle définition de l’abus de droit (…) n’est pas de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives» indique-t-il.

« Une application mesurée »

Interrogé sur la notion de petit abus de droit et ses contours, le ministre a indiqué que« l’administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans chercher à déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables ». Les précisions administratives à venir seront prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés.

 

La rédaction

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